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LES ENFANTS DE MISHWAR

Axes d'écriture

Nous écrivons à deux mains avec Marie. Elle est journaliste et auteur. Depuis le début du projet, je lui raconte tout de mes voyages et réflexions. Elle m'a accompagné dans la recherche de mon sujet, de mes personnages et dans l'écriture du film.

Nous dessinons ces axes d'écriture ensemble. Marie va partir avec moi au Liban cet hiver 2019 pour finaliser les écritures des vies de Tony, Patrick, Aboodi et des enfants de Mishwar.

Nous souhaitons approfondir l'intime des trois protagonistes. Parvenir à écrire la quête dans la quête. Saisir encore davantage ce qui anime ces trentenaires dans leur chair. Ce qui les pousse à sauver ces enfants dont on a volé l'innocence.

Dire la guerre de Patrick.
Dire la vie de refugié d'Aboodi.
Dire les silences de Tony.

Les échanges de mails quotidiens avec Tony et réguliers avec Patrick et Aboodi ne cessent de renforcer nos relations.

Nous écrirons la suite de la vie du jeune Khaled, la santé de la petite Shymaa, l'avenir des enfants d'Abdorazaq et ces autres destins que je filmerai bientôt.

Nous allons consacrer les prochains voyages au sujet de la scolarité des enfants syriens au Liban. Plus précisemment au fonctionnement de ces écoles « informelles » gérées par des ONG (dont Mishwar). Nous allons également suivre le retour de familles en Syrie (accompagnées par Mishwar).

Nous croyons. En nos personnages, en nous et en l'innocence des enfants.

 

Note d'intention

2015. Vie paisible, horaires carrés.
Je suis professeur en audiovisuel dans une école d'art au Pays basque. Les rouages du cadran tournent. Mécaniquement.
Puis ma fille.
Elle bouscule, elle questionne. Elle veut comprendre. Et après la guerre ? Et les enfants syriens ? Qui sont-ils ? Que deviennent-ils ? Où vont-ils ? A quoi servent les grandes ONG de loin ? Les petites sur place ?
Dans sa classe au lycée : un ami. Christian. Il est libanais. Il lui raconte son pays qui change, les camps de réfugiés, les Syriens qui débarquent.
Elle veut voir. Elle veut comprendre.
Moi aussi.

2016. Nous partons.
Ma fille a rendez-vous avec son ami.
Moi j'ai rendez-vous avec une ville.
Je fouille Tripoli. Ses artères, ses camps, ses réfugiés. Je rencontre. Mes contacts sur place près de la frontière syrienne. Je vois une ville à l'image de son pays. Le Liban. Maintes fois affaibli mais fort. Criblé de balles mais debout. Un pays dans lequel les chiffres se bousculent. 18 religions, 104 ONG officielles, près de 2 millions de réfugiés. Soit un tiers de sa population. J'y trouve l'ONG Mishwar. Avec elle, les avis tranchés et a priori s'étiolent. Et des réponses s'esquissent.

2017. Les rouages du cadran ne tournent plus. Je démissionne. Je ne suis plus professeur. Je repasse derrière la caméra. Le métier d'avant. La vie d'après.
Je retourne à Tripoli. Plusieurs voyages dans l'année.
Je ne lâche plus l'ONG Mishwar. Je l'observe dans un coin. Longuement. Je les filme, elle et son fondateur : Tony.

2018. A travers le quotidien de cette ONG : les enfants syriens. Qui sont-ils ? Ils sont Khaled, Amin, Shymaa. L'équipe de Mishwar joue, parle, lutte tous les jours avec eux. Où vont-ils ? Beaucoup arrivent au Liban, au nord de Tripoli après avoir fui la Syrie. Ils résident ici. Dans l'un de ces camps, dans l'une de ces tentes fournies par l'ONU. Et les ONG ? Il y a les connues, les reconnues. Et puis il y a Mishwar. L'ONG système D. Avec son micro budget, sa petite équipe, sa présence. Dans les camps de réfugiés tous les jours, auprès des enfants. Que deviennent-ils, ces enfants syriens ? Ils survivent. Moi je les filme. Quatre voyages, d'autres à venir.

Nos questions trouvent leurs réponses. Mon film trouve sa voie.
Il dira : Les Enfants de Mishwar. Ce qu'il reste de leur innocence après une guerre destructrice.
Il dira : le combat. Pour retrouver le chemin de l'école.
Il dira : l'avenir. Synonyme de retour au pays ou d'exil infini.
Pour le dire, je suivrai les pas de Tony, Aboodi, Patrick. Les trois piliers de l'ONG Mishwar.

  • cv-alex+marie.
 

Note de réalisation

Voix off et regards caméra

La voix off et le choix d'un commentaire à la première personne du singulier permet de parler de mon point de départ. Mes interrogations, puis de ma transformation, ma libération. Un voyage initiatique, partant d'une réflexion intime qui me porte tout au long des tournages. Le "je" permet une vision et un questionnement sur l'actualité : la guerre en Syrie, les ONG, sur la réalité, la fiction, sur les émotions. Ici, pas d'informations, pas de mises en scène. Juste un témoignage des humains après une guerre. Un constat de l'enfant à qui l'on retire son innocence. Je suis présent par la voix off et les regards caméra. De sorte qu'un point de vue subjectif s'ancre dès les premières séquences. Le spectateur connaît l'existence de ce personnage-voix off. Il vit les rencontres intimes, les émotions à mes côtés.

De la non intrusion

L'arrivée de caméras dans les camps n'est pas rare. Mais je ne voulais pas que le lieu devienne mon « terrain de chasse ». J'ai laissé la caméra dans mon sac jusqu'à me sentir toléré, accepté, parfois accueilli. Je filme caméra à la main, une petite caméra sans accessoire. Un bon micro (Schoeps) fixé dessus et un autre (DPA) que je peux laisser à distance lorsque j'en ai besoin. Je ne veux pas filmer à hauteur d'homme, trouvant le procédé intrusif, je travaille avec un multifinder qui me reflète l'image vers le haut. Ainsi, je positionne ma caméra au niveau de mon ventre et je vise en regardant vers le bas. Les gens se sentent moins visés. Une fois ma caméra sortie, je l'arrête rarement. Je dispose ainsi de long rushes même s'ils me sont parfois inutiles.

Comme un portrait photographique

Les enfants sont très imprévisibles. En groupe, ils jouent avec l'objectif. Seuls, ils sont pudiques. Les femmes, elles, déclarent ne pas aimer être filmées mais elles semblent très curieuses. Certaines s'arrangent pour se trouver devant l'objectif. Ne pas être filmé est la règle, la tradition. Mais en dialoguant, elles semblent tout aussi volontaires que les hommes. Il m'est arrivé qu'une femme me demande de venir la filmer à l'abri des regards. En posant, comme pour un portrait photographique. Ainsi, parfois, des plans s'apparentent à un tableau. Ils viennent casser le rythme soutenu du film et stabilise une image d'habitude vivante, liée au choix de la caméra à l'épaule.

Seul pour disparaître

Lors de mon premier voyage, un ingénieur son m'accompagnait. Mais la présence de deux personnes est parfois handicapante. Je préfère filmer seul. Les gens m'oublient après les premières minutes de curiosité.

Lors de ma première visite dans un camp de Tell Aabbas, j'étais désarçonné. J'ai donné ma caméra à un enfant qui me l'a demandée. Il est parti faire le tour du camp pendant une dizaine de minutes alors que je buvais le thé. Je ne me suis jamais inquiété. Cet enfant est Khaled, celui que Tony essaiera de sortir de la rue, six mois plus tard.

  • Sans en avoir l'apparence, cette tente est une petite épicerie.
  • Après quelques jours, les familles viennent à ma rencontre une à une, les a priori tombent.
  • On chante sur des chansons qui sortent des portables.
  • Abdorazaq nous offre le maté dans la boucherie syrienne de son ami.
  • Tony et Martin s'arrêtent à la boucherie qui devient café le temps d'une discussion.
  • Le boucher continue de travailler tout en nous servant le maté.
  • Le sourire d'Abdorazaq.
  • Alessandro discute du monde avec le père de Khaled.
  • Aboo Muhamed vit avec sa femme et ses 10 enfants dans un garage.
  • Alessandro qui vit dans le camp passe beaucoup de temps avec les familles.
  • Martin montre les photos qu'il a prises dans le nouveau camp.
  • J'ai donné ma caméra à Khaled qui sait parfaitement cadrer.
  • Une soirée chez Aboo Muhamed, le père de Khaled.
  • Je confectionne un collier de perles avec les enfants.
  • Tony visite sa voisine, une vénézuelienne libanaise qui lui raconte ses 20 ans.
  • Tony doit aller chercher une donation de jouets pour Noël.
  • Tony attend son rdv sur la route de Batroun.
  • Des enfants syriens vendent des légumes à l'entrée de Tripoli.
  • Des enfants syriens vendent des légumes à l'entrée de Tripoli.
  • Aboodi et Tony règlent les derniers préparatifs de la fête à venir.
  • Aboodi prend toutes les notes nécessaires pour la fête à venir.
  • Dernier détail, l'habit du Père Noël pour Aboodi (qu'il ne mettra que pour la photo)
  • L'eau courante n'est pas disponible dans les camps, ici une jeune fille attend pour remplir des bidons.
  • Les jeunes filles sont responsabilisées très tôt notamment pour prendre en charge les plus jeunes.
  • Ici des enfants libanais me regardent curieux traverser la rue pour rejoindre un camp.
  • Les disparités sociales sont souvent très prononcées au liban.
  • Lors d'une promenade dans la rue, je suis invité à boire le maté ou le café, difficile de refuser.
  • Les toiles de tentes sont fournies par l'ONU, les syriens louent la terre sur laquelle ils les installent, 50 dollars par tente.
  • Patrick visite la famille de Hassan, frère de Omar.
  • Un enfant fait du vélo derrière le camp.
  • Le soleil se couche sur le camp de Tell Aabbas.
  • Un chien abandonné (qui trouvera bientôt un maître...)
  • Un enfant très jeune est attiré en haut d'un batiment par les aboiements d'un chien.
  • Les enfants évoluent parfois dans un environnement très dangereux.
  • Des femmes sèment des pommes de terre à  l'arrière d'un tracteur.
  • Les enfants du nouveau camp assistent à leur première soirée cinéma : Aladin !
  • Les enfants se préparent pour la fête.